Cour Suprême de Côte d’Ivoire
Arrêt N°598 du 08 Décembre 2005
TOURE A.
C/
SICOA
La Cour,
Sur le moyen unique de cassation, pris en sa première branche,
tirée de la violation de la loi ou erreur dans l’application ou
l’interprétation de la loi, notamment des articles 6.3 et 10 de la loi N°96-564
du 25 Juillet 1996 relative à la protection des œuvres de l’esprit et aux
droits des auteurs, des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes
et vidéogrammes.
Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué (Abidjan
13 décembre 2002) que TOURE A., prétendant que le nom « BOUBA » et
l’image du clown sur le logo seraient ses propriétés exclusives que la SICOA
utilisait à des fins commerciales sans son autorisation, assignait devant le
Tribunal d’Abidjan cette société, en paiement de la somme de 200 000 000 FCFA,
à titre de dommages-intérêts ;
Que débouté de cette demande par jugement rendu le 31 janvier
2002, TOURE A. saisissait la Cour d’Appel d’Abidjan, qui confirmait ledit
jugement ;
Attendu qu’il est fait grief à la Cour d’appel d’avoir estimé que
le pseudonyme « BOUBA » ne constitue pas une œuvre originale et qu’il
n’apparaît aucun lien de nature à indiquer que le logo du produit
« BOUBA » a été copié sur le personnage connu sous le nom
« T.B. », alors que, selon le moyen, il a été amplement démontré que
T.A. a créé un nom d’artiste dit « T.B » et un personnage clownesque
à son effigie avec des attributs spécifiques dans le cadre de l’animation de
ses émissions pour enfants, telles que « WOZO VACANCES » et
« AHOUANEY », et d’avoir ainsi violé les articles 63 et 10 de la loi
N°96-564 du 25 Juillet 1996 relative à la protection des œuvres de l’esprit et
aux droits des auteurs, des artistes-interprètes et des producteurs de
phonogrammes et de vidéogrammes ;
Mais attendu que l’article 6.3 de la loi susvisée dispose que
« la protection des droits des auteurs s’exerce sur toutes œuvres
originales quels qu’en soient le genre, la valeur, la destination, le mode ou
la forme d’expression, notamment les œuvres créées pour la scène ou pour la
télédiffusion (sonore ou visuelle) ainsi bien dramatiques et
dramatico-musicales que cinégraphiques et pantomimiques » ;
Qu’aux termes de l’article 10 de ladite loi, « l’œuvre
originale s’entend d’une œuvre qui, dans ses éléments caractéristiques et dans
sa forme, ou dans sa forme seulement, permet d’individualiser son
auteur » ;
Qu’il résulte de la combinaison de ces deux articles qu’en matière
de propriété intellectuelle, la protection des œuvres de l’esprit ne joue que
pour celles des œuvres qui sont originales ;
Qu’en l’espèce, T.A. n’est pas à l’origine du pseudonyme
« BOUBA » qui ne renvoie pas systématiquement à la personne, et est
usuel et commun ;
Qu’en outre, ledit pseudonyme est largement connu des enfants
puisqu’un dessin animé célèbre, diffusé et rediffusé par la télévision
ivoirienne, avait pour héros un ourson prénommé « BOUBA » ; que
T.A ne pouvant être considéré comme le créateur du pseudonyme
« BOUBA » ni comme l’inventeur du personnage clownesque et qu’aucun
des éléments caractéristiques de sa prétendue « œuvre » ne permettant
de l’individualiser, la cour d’Appel n’a pas violé les articles 6.3 et 10 de la
loi N°96-564 du 25 juillet 1996 relative à la protection des œuvres de l’esprit
et aux droits des auteurs, des artistes-interprètes et des producteurs de
phonogrammes et vidéogrammes visés au moyen, lequel n’est donc pas fondé en sa
première branche ;
Sur la seconde branche, tirée de la violation de la loi ou erreur
dans l’application ou l’interprétation de la loi, notamment de l’article 27 de
la loi N°96-564 du 26 Juillet 1996 relative à la protection des œuvres de
l’esprit et aux droits des auteurs, des artistes-interprètes et des producteurs
de phonogrammes et vidéogrammes ;
Attendu qu’il est également fait grief à la Cour d’Appel d’avoir
décidé que le pseudonyme « BOUBA » ne bénéficiait pas de protection
et qu’il ne peut être reproché à la SICOA de l’avoir utilisé sur ses sucettes,
au motif que ce pseudonyme servant de diminutif à plusieurs prénoms comme
Boubakar, Aboudramane et autres, constitue pas une œuvre originale, alors que,
dit le moyen, il a été démontré suffisamment que le pseudonyme « TB »
et l’effigie corrélative avec ses accoutrements extravagants sont l’œuvre de
l’esprit de T.A. connu sous ce nom d’artiste depuis plus de dix ans, et d’avoir
ainsi violé l’article 27 de la loi précitée ;
Mais attendu qu’aux termes dudit article, sauf disposition
contraire de la présente loi, l’exploitation de l’œuvre par une autre personne
ne peut avoir lieu sans l’autorisation préalable formelle et par écrit de
l’auteur, ou de ses ayants-droit ou ayants cause. Toute représentation,
reproduction intégrale ou même partielle faite sans l’autorisation prévue à
l’alinéa précédent est illicite. Il en est de même de toute traduction,
adaptation, arrangement, transformation, reproduction ou imitation par un procédé
quelconque ou par tout autre moyen ou art. Un tel acte ouvre droit à réparation
au profit de l’auteur de l’œuvre ;
Qu’il en résulte que l’œuvre protégée doit être une « œuvre
originale » au sens de l’article 10 de la même loi ;
Que l’originalité, qui est le facteur essentiel qui détermine la
mise en œuvre et l’application du régime de protection dont pourrait bénéficier
une œuvre faisant défaut dans le cas d’espèce, la Cour d’Appel n’a pas violé
l’article 27 de la loi susvisée, d’où il suit que le moyen n’est pas davantage
fondé en sa seconde branche ;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi formé par T.A contre l’arrêt N°1226 en date du
13 décembre 2002 de la Cour d’Appel d’Abidjan ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor Public.