Tribunal de Grande Instance Hors classe de Niamey
Ordonnance de référé N°118 du 20 mai 2008
ROTHMANS OF PALL MALL LIMITED SA
c/
SOCIETE ADIL COMPANY et EL HADJ S.S
Le Tribunal,
Par exploit d’huissier en date du 1er avril 2008 de
Maître NIANDOU AMADOU, huissier de justice à Niamey, la société ROTHMANS OF
PALL MALL LIMITED SA, représentée par son Directeur Général, assistée de Maître
AISSATOU ZADA, Avocat à la Cour, a assigné la Société ADIL COMPANY et EL HADJ
SANI SOULEY NA SALEY pour :
S’entendre déclarer nulles les saisies pratiquées le 25 mars 2008
et signifiées le 26 mars 2008 ;
Ordonner leur mainlevée sous astreinte de 10.000.000 F CFA par
jour de retard ;
Qu’elle a en outre sollicité l’exécution provisoire de la décision
à intervenir sur minute et avant enregistrement ;
EN LA FORME
Attendu que l’action de ROTHMANS OF PALL MALL LIMITED a été
introduite dans les forme et délai légaux ;
Qu’il y a lieu de la déclaration recevable ;
AU FOND
Attendu que la Société ROTHMANS OF PALL MALL LIMITED soutient à
l’appui de sa requête qu’en exécution des arrêts civils 124 en date du 05 juin
2006 et 235 du 16 octobre 2006 de la Cour d’appel de Niamey, une saisie
conservatoire sur les biens meubles incorporels a été pratiquée par les requis
entre les mains de la structure nationale de liaison de l’OAPI et lui a été
signifiée sans aucun fondement juridique ;
Que courant novembre 2007, les requis avaient procédé à la saisie
de la marque ROTHMANS et annulé par arrêt de la Cour d’appel de Niamey ;
qu’elle a ajouté que la saisie des marques doit observer des formalités
particulières de publicité et que l’acte de saisi ne doit pas être délaissé à
Niamey, au Ministère du Commerce ;
Qu’elle conclut que les dispositions de l’OHADA ne peuvent être
appliquées aux marques puisqu’elles sont régies par le Protocole de Bangui
révisé le 24 février 1999 ;
Qu’elle sollicite enfin de déclarer les saisies pratiquées par les
requis nulles ;
Qu’en réplique, la société ADIL COMPANY SA par la voix de son
conseil soutient que pour obtenir réparation des préjudices par eux subis suite
à des saisies-contrefaçon abusives pratiquées par la Société ROTHMANS OF PALL
MALL, ils l’ont attraite devant les juridictions nigériennes suite à quoi des
arrêts de condamnation n°235 du 16/10/2006 et 124 du 5/06/2006 ont été rendus
par la Cour d’appel de Niamey à leur profit à hauteur de 100.000.000 F CFA pour
ADIL COMPANY et 50.000.000 F CFA pour SANI SOULEY NA SALEY ; n’ayant pas
fait de pourvoi, après commandement de payer, des saisies conservatoires de
créances ont été pratiquées courant 2007, mais annulées par la Cour d’appel de
Niamey ; dès lors une mainlevée a été faite et de nouvelles saisies ont
été pratiquées le 25 mars 2008 et signifiées le 26 de la même année ;
Que la requérante a soulevé des arguments légers et
insuffisants ; qu’en effet, d’une part la Société ROTHMANS ne produit pas
la preuve de la consignation préalable de la créance comme le dispose l’article
239 de l’AUPSRVE ; que l’acte de saisie rend indisponibles les droits
pécuniaires du débiteur ; que ANNE MARIE ASSI ESSO a relevé dans son
ouvrage que c’est la seule matière où la mainlevée judiciaire est conditionnée
par la consignation ;
Que s’agissant de la loi applicable, il y a lieu de préciser
qu’ils ne contestent pas la propriété de ROTHMANS sur la marque et n’agissent
pas en contrefaçon ; que nulle part l’Accord de Bangui ne réglemente les
procédures de saisie et voies d’exécution ; qu’il réglemente la procédure
en amont de l’enregistrement ; quand bien même il s’agit de la radiation
ou de la nullité de la marque, la procédure est menée devant les juridictions
civiles ;
Que seules les dispositions de l’OHADA s’appliquent aux procédures
de saisie comme le dispose l’article 337 de l’AUPSRVE ; que l’OAPI se
contente d’inscrire les décisions judiciaires des Tribunaux civils dans ses
registres ;
Que la Société ADIL poursuit que la marque est saisissable
puisqu’elle est un droit de propriété intellectuelle classé parmi les biens
meubles par détermination de la loi au vu de l’article 529 du code civil et
qu’aucun texte n’a prévu son insaisissabilité et peut être cédée ou donnée en
licence sans que l’entreprise arrête ses activités et qu’aucune publicité n’est
prévue pour la saisie, celle-ci n’est exigée qu’au moment de la vente (art 243
AU) ;
Que les requis concluent que la marque a été déposée à l’OAPI qui
lui assure la gestion et la protection dans son espace ;
Que la structure nationale de liaison de Niamey est un lieu
d’enregistrement et de dépôt et étant agréée par l’OAPI, elle a qualité pour
recevoir des actes puisqu’étant une représentation locale ; que l’article
236 de l’AUPSRVE dispose que la saisie est effectuée soit auprès de la société
ou de la personne morale – soit auprès du mandataire chargé de conserver ou de
gérer les titres ;
DISCUSSION
SUR LA LEGISLATION APPLICABLE
Attendu qu’il ressort des dispositions de l’article 337 de
l’AU/PSR/VE que « le présent acte uniforme sera applicable aux mesures
conservatoires, mesures d’exécution forcée et procédures de recouvrement
engagées après son entrée en vigueur » ;
Attendu qu’en l’espèce, il s’agit d’une contestation de saisie
c’est-à-dire une mesure d’exécution forcée qui est déférée à notre
appréciation ; que comme le soutient le requis, seules les dispositions de
l’OHADA régissent les voies d’exécution et ce quel que soit la matière ou le
bien fondé sur lequel porte la saisie ou la mesure conservatoire ;
Qu’en outre les dispositions de l’Accord de Bangui ne traitent pas
de voies d’exécution mais de l’enregistrement, la conservation ou les
contestations relatives aux marques ainsi que leur protection (Annexe III
Accord de Bangui) ; que pour éviter tout amalgame le législateur de l’OHADA
a déclaré expressément à l’article 336 que « le présent acte uniforme
abroge toutes dispositions relatives aux matières qu’il concerne dans les Etats
Parties » ; Qu’il s’agit en effet des mesures concernant les voies
d’exécution et les procédures simplifiées ; c’est-à-dire que seuls les
actes uniformes sont applicables ; qu’il y a lieu de le constater ;
SUR LA VALIDITE DE LA SAISIE
Attendu qu’il ressort des dispositions combinées des articles 50,
56, 236, 239 de l’AUPSRVE que « les saisies peuvent porter sur tous les
biens appartenant au débiteur alors même qu’ils seraient détenus par des tiers
sauf s’ils sont déclarés insaisissables par la loi nationale de chaque Etat
partie ; la saisie conservatoire peut porter sur tous les biens mobiliers
corporels ou incorporels appartenant au débiteur ; elle les rend
indisponibles ; la saisie est effectuée auprès de la société ou de la
personne morale émettrice, soit auprès du mandataire chargé de conserver ou de
gérer les titres » ;
Attendu qu’en l’espèce la saisie pratiquée par la Société ADIL
COMPANY SA et EL Hadji Sani Souley Na Saley porte sur la marque de cigarettes
« Rothmans King Seize Filter » déposée à l’OAPI le 27 mars 1997
enregistrée sous le numéro 37 610 ;
Que la marque doit être classée parmi la catégorie des biens
incorporels des dispositions de l’Acte Uniforme susvisé puisqu’il a été précisé
dans les dispositions de l’article 25 de l’Annexe III de l’Accord de Bangui que
les droits attachés à une marque sont transmissibles en totalité ou en partie,
ce qui la classe implicitement parmi les meubles par détermination de la
loi ;
Attendu qu’il n’est pas contesté que la société ROTHMANS OF PALL
MALL est débitrice de ADIL COMPANY SA pour la somme de 116.716.800 F CFA et
Sani Souley Na Saley de 58.867.946 F CFA en principal, intérêts et frais ;
Attendu que les différentes saisies pratiquées contrairement aux
prétentions de la requérante ont observé les formalités prévues par les
dispositions de l’Acte Uniforme ; que la marque a été saisie comme bien incorporel
et entre les mains de la représentation de l’OAPI qu’est la structure nationale
de liaison qui en effet, est la seule mandataire agréée de l’Organisation
Africaine de la Propriété Intellectuelle au Niger ;
Qu’en outre, toutes les deux saisies pratiquées le 25 mars 2007
l’ont été suivant arrêts de la Cour d’appel de Niamey notamment les arrêts
235/2006 et 124/2006 ayant autorité de la chose jugée comme il ressort des
pièces versées au dossier ; qu’au demeurant, ces arrêts n’ont pas fait
l’objet de pourvoi en cassation et sont définitifs ;
Attendu qu’enfin la saisi d’un bien incorporel en l’espèce
« la marque » ne requiert aucune publicité particulière ; que
les formalités de la saisie des biens meubles corporels et incorporels sont
précisées par les articles 28 et suivants de l’AUPSRVE ; que contrairement
aux prétentions de la requérante, la publicité est requise au moment de la
vente et ce, en vertu des dispositions de l’article 242 de l’Acte
Uniforme ;
Attendu qu’au constat de tout ce qui précède, il y a lieu de
débouter ROTHMANS OF PALL MALL de toutes ses demandes comme étant mal fondées
et de déclarer les saisies pratiquées sur la marque ROTHMANS entre les mains de
la structure nationale de liaison le 25 mars 2008 régulières et valables et d’ordonner
la continuation des poursuites ;
SUR L’EXECUTION PROVISOIRE
Attendu que les deux parties ont sollicité l’exécution provisoire
de la décision à intervenir ;
Attendu qu’au regard de la matière, la durée de la procédure et le
caractère déterminant du recouvrement de la créance par les requis pour la
prospérité de créances commerciales, il y a lieu d’ordonner l’exécution
provisoire de la décision sur minute et avant enregistrement ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile
d’exécution et en premier ressort ;
EN LA FORME
Déclarons l’action de la société ROTHMANS OF PALL MALL Limited
régulière en la forme ;
AU FOND
Déboutons Rothmans Of Pall Mall Limited SA de toutes ses demandes
comme étant mal fondées ;
Déclarons les saisies pratiquées le 25 mars 2008 sur la marque
Rothmans entre les mains de l’OAPI représentée par sa structure nationale de
liaison dite SNL au Niger régulières et valables ;
Ordonnons la continuation des poursuites ;
Ordonnons l’exécution provisoire de la présente décision sur
minute et avant enregistrement ;
Condamnons la société Rothmans Of Pall Mall Limited SA aux dépens.