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Niger

NE006-j

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Cour d’appel de Niamey, Arrêt N° 170 du 7 Août 2006

Cour d’appel de Niamey

Arrêt N° 170 du 7 Août 2006

LA COOPERATIVE AL ITIHAD

c/

A.A

La Cour,

EN LA FORME

Attendu que par acte d’Huissier en date du 10 Janvier 2005 la Coopérative AL ITIHAD interjetait appel du jugement rendu le 24 Décembre 2004 par le Tribunal de Niamey dans l’instance l’opposant à A.A. ;

Que cet appel intervenu dans les forme et délai de la loi est recevable ;

Attendu que les parties ont été représentées à l’audience par leurs conseils ;

Qu’il y a lieu en conséquence de déclarer contradictoire à leur égard l’arrêt à intervenir ; 

AU FOND

FAITS - PROCEDURE ET PRETENTION DES PARTIES

Le 16 Février 2001 la Coopérative AL ITIHAD dont l’objet est la fabrication du pain de sucre obtenait son agrément ;

L’avènement de cette Coopérative sur le marché conduira une coopérative concurrente agissant par l’organe de S.G à revendiquer la paternité de l’invention du procédé de fabrication du pain de sucre ;

La Coopérative Tchékassane prétendra ainsi être au Niger l’inventeur du pain de sucre ;

Par requête en date du 14 Mai 2001, elle obtenait l’autorisation de pratiquer une saisie-contrefaçon. Cette ordonnance était rétractée le 31 Mai 2001 ;

Le 5 Juin, ladite décision était signifiée à S.G., Président de la Coopérative Tchékassane ; la Coopérative AL ITIHAD assignait alors la Coopérative Tchékassane pour obtenir des dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Le 15 Août 2002, la Cour de céans renvoyait le dossier au rôle général,

Le 12 Avril 2001 A.A. un des membres de la Coopérative Tchékassane déposait une demande de brevet du pain de sucre auprès de l’Organisation Africaine de la Propriété intellectuelle (OAPI). Le brevet a été délivré le 7 Octobre 2003 et publié au journal officiel de cette organisation ;

Informée de ce brevet, la Coopérative AL ITIHAD assignait A.A. devant le Tribunal Civil de Niamey pour s’entendre dire qu’il ne peut l’empêcher de fabriquer le pain de sucre, voir annuler le brevet à lui délivré, ordonner la radiation de toute inscription dudit brevet sur le registre spécial de brevets et obtenir la publication de la décision à intervenir dans le registre spécial des brevets de L’OAPI ;

Statuant en la cause le 29 Décembre 2004 le tribunal de Niamey a rendu la décision suivante :

Dit que le brevet d’invention de procédé délivré à A.A le 7 Octobre 2003 par L’OAPI est valable ;

Prononce l’interdiction pour la Coopérative AL ITIHAD de toute exploitation du procédé ainsi breveté ;

Déboute la Coopérative AL ITIHAD du surplus de sa demande ;

La condamne à payer à A.A. la somme de 2.500.000 FCFA à titre de réparation ;

La condamne aux dépens ;

La Coopérative AL ITIHAD relevait appel de ce jugement le 10 Janvier 2005. Pour elle, ce jugement viole l’Accord de Bangui et de l’article 43 de l’accord sur les ADPIC en mettant la charge de la preuve sur le demandeur alors que selon elle, en l’espèce, la preuve de l’invention nouvelle (article 3 alinéa 1er) incombe à l’inventeur ;

Elle invoque en plus la violation de l’article 8 du Traité de l’OAPI qui dispose « Toute personne qui de bonne foi, à la date du dépôt ou de priorité d’un brevet était, sur le territoire où le présent livre est applicable, en possession de l’invention objet du brevet, a le droit à titre personnel d’exploiter l’invention malgré l’existence du brevet » ;

La Coopérative AL ITIHAD affirme qu’elle existait avant le dépôt de la demande de brevet et avait pour seul objet la fabrication et la commercialisation du pain de sucre. Elle rappelle le litige l’ayant opposé à la Coopérative Tchékassane dont A.A. est membre par rapport à la fabrication du pain de sucre ;

En conclusion, la Coopérative AL ITIHAD demande l’infirmation du jugement attaqué, à titre principal d’annuler le brevet délivré à A.A., d’ordonner la radiation du brevet du registre spécial de l’OAPI, d’ordonner la publication de la décision sur le registre spécial de l’OAPI, à titre subsidiaire de constater qu’en application de l’article 8 de l’accord susvisé de l’OAPI, A.A ne peut interdire à la Coopérative AL ITIHAD et ses membres l’exploitation de l’invention ;

Quant à A.A. il rétorque en disant que l’article 43 prétendu violé par le premier juge selon la Coopérative AL ITIHAD n’a rien à voir avec la charge de la preuve. D’après l’intimé, c’est l’article 34 de l’Accord sur les ADPIC qui consacre la charge de la preuve et qu’il est en faveur de A.A ;

A.A. précise que l’objet du litige porte sur un procédé de fabrication et non sur l’invention d’un produit et le fait que le produit résultant de l’exploitation du procédé, en l’occurrence le pain de sucre soit connu ou pas est sans incidence sur la brevetabilité de l’invention ;

Il affirme qu’il n’a jamais empêché la Coopérative AL ITIHAD de fabriquer du pain de sucre mais ce qu’il refuse c’est l’usage voire l’exploitation de son nouveau procédé de fabrication de pain de sucre par ses anciens employés formés par lui et débauchés par la Coopérative AL ITIHAD ;

Il estime que la Coopérative AL ITIHAD pour bénéficier des dispositions de l’article 8 doit non seulement être de bonne foi mais aussi rapporter la preuve de l’utilisation de l’invention brevetée avant la date du dépôt de la demande de brevet. Il soutient que la Coopérative AL ITIHAD se contente de ses allégations et est de mauvaise foi ; pour conclure, il demande la confirmation du jugement attaqué ;

SUR LA DEMANDE D’INTERDICTION DE L’EXPLOITATION DE L’INVENTION

Attendu qu’il est constant que la Coopérative AL ITIHAD créée en 2001, quelques jours après la Coopérative Tchékassane avait pour objet la fabrication, en toute bonne foi et suivant des techniques datant de la nuit des temps, du pain de sucre à l’instar de cette dernière dont A.A est membre ;

Qu’une instance en contrefaçon avait opposé les deux Coopératives du 14 Mai 2001 au 15 Août 2002 à Niamey ;

Qu’avant l’issue définitive de ce procès, A.A, à sa demande, en date du 12 Avril 2001 se faisait délivrer le 7 Octobre 2003 par l’OAPI un brevet relatif au procédé de fabrication du pain de sucre ;

Attendu que l’article 8 de l’Accord révisé de Bangui dispose : « Toute personne qui de bonne foi, à la date du dépôt ou de priorité d’un brevet était sur le territoire où le présent livre est applicable en possession de l’inventaire objet de brevet a le droit à titre personnel d’exploiter l’invention malgré l’existence du brevet » ;

Attendu que de tout ce qui précède, il y a lieu de constater que la Coopérative AL ITIHAD remplit toutes les conditions posées par ce texte ;

Qu’il échet alors de dire que A.A. ne peut interdire à la Coopérative AL ITIHAD et à ses membres l’exploitation de son invention ;

SUR L’ANNULATION DU BREVET

Attendu que la Coopérative AL ITIHAD ne produit pas aux débats sa technique de fabrication du pain de sucre similaire à celle brevetée par A.A ;

Qu’en l’absence de cet élément de comparaison, la cour ne peut dénier à A.A d’avoir fait une invention nouvelle ; qu’en conséquence la demande de la Coopérative AL ITIHAD d’annuler le brevet délivré à A.A et sa radiation spéciale de l’OAPI est inopérante ;

Attendu qu’eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de débouter les parties de toutes autres demandes et d’infirmer la décision entreprise ;

SUR LES DEPENS

Attendu qu’A.A qui succombe sera condamné aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;

Reçoit la Coopérative AL ITIHAD en son appel régulier en la forme

Au fond infirme la décision attaquée ;

Dit que A.A ne peut interdire à la Coopérative AL ITIHAD et à ses membres l’exploitation de l’invention ;

Déboute les parties de toutes autres demandes ;

Condamne A.A aux dépens.