Cour d’Appel du Centre (Yaoundé)
Arrêt N°536/Civ du 06 novembre 2013
THE INDEPENDENT TOBACCO FZCO
c/
ROTHMANS OF PALL MALL LTD
La Cour,
EN LA FORME
Considérant que par requête en date du 07 novembre 2011, la
société dite Independent Tobacco FZCO a interjeté appel contre le jugement
n°49/c rendu le 26 janvier 2011 par le Tribunal de grande instance du
Mfoundi ;
Considérant que l’appel ainsi fait l’a été dans les forme et délai
légaux ;
Qu’il convient de le recevoir et statuer au fond ;
Considérant que toutes les parties ont conclu par le biais de
leurs conseils respectifs ;
Qu’il échet de statuer par arrêt contradictoire ;
AU FOND
Considérant qu’il y a lieu pour la compréhension de la suite de
rappeler le dispositif du jugement attaqué qui est ainsi libellé :
« Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile
et commerciale et en premier ressort ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi et à l’unanimité des
voix ;
Reçois les parties en leurs demandes respectives ;
Rejette la fin de non-recevoir tirée de l’insuffisance de la
consignation et l’exception d’incompétence rationae materiae formulées par la
défenderesse comme non fondées ;
Déclare nul et non avenu l’enregistrement de la marque
« Business Royals » effectué à l’OAPI le 24 avril 2004 sous le
n°50484 au profit de la société The Independent Tobacco FZCO ;
Condamne la défenderesse à payer la somme de FCFA 3. 000. 000 à la
société Rothmans of Pall Mall Limited pour l’atteinte à sa propriété ;
Déboute Rothmans of Pall Mall Limited du surplus comme non
fondé ;
Condamne la défenderesse aux dépens distraits au profit des
Maîtres Françoise EKANI et ONANA NLO, Avocats aux offres de droit »
;
Considérant qu’au soutien de son recours, la société Independent
Tobacco FZCO fait valoir que la décision querellée a été rendue en violation
aussi bien de la doctrine que de la jurisprudence qui régissent la matière
objet du litige ;
Que contrairement à ce qui est affirmé par le premier juge, la
marque complexe « Business Royals Label » et « Royal »
appartenant à la société intimée Rothmans of Pall Mall LTD ;
Que cela résulte d’une abondante jurisprudence ;
Qu’à titre d’exemple la marque « eau de roche » ne
saurait être confondue avec celle intitulée « roche » ;
Que la marque « Business Royal « déposée à l’Organisation
Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI) le 24 août 2004 est
complexe ;
Que pour ce type de marque, la doctrine pose que la comparaison
des signes doit être considérée ceux-ci pris dans leur ensemble, tenant pour
cela compte de tous les éléments constitutifs des marques à comparer ;
Que par ailleurs, et ainsi qu’il ressort de la correspondance de
l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI) datée du 11 mai
2006, outre les marques en conflit, plusieurs marques complexes avaient été
déposées et enregistrées pour les produits de la classe 34 comportant le terme
« Royals » tant sur le plan local qu’au niveau international ;
Qu’ainsi et pour l’illustrer, l’on a les marques dites
« Royal Eagle » ou « Royals Gold » en Jordanie ; Qu’il
s’ensuit que le signe « Royal » est d’usage courant et ne comporte
nulle particularité intrinsèque susceptible de conduire à confusion ;
Que s’agissant de la condamnation au paiement des
dommages-intérêts à l’intimée, celle-ci n’est pas justifiée, aucune faute
n’ayant été établie à l’encontre de l’appelante, l’enregistrement de la marque
sollicité ayant été régulièrement accordé par l’Organisation Africaine de la
Propriété Intellectuelle (OAPI) qui a jugé ladite marque disponible ;
Qu’au regard de ce qui précède, elle plaide l’infirmation du
jugement entrepris ;
Considérant qu’en réplique la société Rothmans of Pall Mall LTD
agissant par le biais de son conseil fait rétorquer que c’est à bon droit que
la nullité de l’enregistrement de la marque dite « Business Royals »
a été prononcée par le premier Juge ;
Considérant que l’intimé argue sur ce point de ce que conformément
aux dispositions de l’article 7 alinéa 1 de l’Annexe III de l’Accord de Bangui
du 02 mars 1977 révisé courant février 1999, l’enregistrement d’une marque a
vocation à conférer à son titulaire le droit exclusif d’utiliser la marque, ou
un signe lui ressemblant pour les produits ou services pour lesquels elle a été
enregistrée et pour les produits ou services similaires ;
Que l’article 24 alinéa (1) et (2) du même acte pose que le
tribunal doit déclarer nul et non avenu, l’enregistrement d’une marque si cette
dernière n’est pas conforme aux prescriptions des articles 2 et 3 de l’Annexe,
ou se trouve être en conflit avec un droit antérieur ;
Que dans le cas d’espèce, elle (société Rothmans of Pall Mall
Limited) est titulaire d’un droit antérieur sur le signe « Royals »,
pour l’avoir déposé et enregistré les 17 mars 1997, 06 novembre 2001, etc., à
travers les marques respectives « Rothmans Royals Label »
« Royals » ;
Que l’enregistrement de la marque litigieuse « Business
Royal » au profit de la société Independent Tobacco FZCO est
postérieur ;
Que par ricochet le droit de ladite société sur le signe litigieux
est réputé être également postérieur au sien ;
Qu’il s’ensuit que l’action en nullité de l’enregistrement de la
marque « Business Royal » introduite est fondée, de même que la
demande en réparation du préjudice subi du fait de l’atteinte portée à sa
propriété ;
Qu’elle plaide pour cela la confirmation du jugement
entrepris ;
Considérant que pour prétendre à l’annulation de l’enregistrement
de la marque dite « Business Royals », l’intimée argue d’un
droit de propriété exclusif sur le signe « Royals » pour,
soutient-elle, l’avoir déposé et enregistré en premier depuis 1997, concluant
sur ce point que l’attribution postérieure du même signe à la société
Independent Tobacco FZCO portait atteinte à ses droits ;
Mais considérant que ce moyen manque de pertinence au regard tant
de la jurisprudence établie en la matière que du bon sens ;
Qu’il est en effet manifeste que le terme « Royals » a
un caractère distinctif suffisant ainsi que le soutient de la société Rothmans
of Pall Mall LTD en sorte que si le risque de confusion déplorée était
effectif, l’organisation africaine de la propriété intellectuelle qui est
l’organe institutionnel de contrôle et d’enregistrement des marques n’aurait
point consenti à enregistrer plusieurs autres marques comportant ce label ni à
son profit ni en faveur des autres sociétés non concurrentes qui n’ont pas
jusque-là protesté ;
Considérant par ailleurs qu’il n’est pas contesté en l’espèce que
les marques respectives « Rothmans Royals » et « Business
Royal » sont complexes en ce qu’elles sont constituées de plusieurs
éléments ; qu’aux termes de la jurisprudence en la matière pour vérifier
l’existence d’un risque de confusion entre des marques de ce type,
l’appréciation de la similitude devrait se faire non par considération de l’une
des composantes du concept retenue comme marque, mais bien au travers de
l’examen de chacune des désignations prises dans son ensemble ;
Qu’en d’autres termes, l’appréciation du risque de confusion
allégué devrait se faire sur la base de l’ensemble des éléments constitutifs de
chacune des marques concernées ;
Considérant enfin qu’en dehors de la dénomination, d’autres
éléments en l’espèce, tels la couleur et le logo suffisent pour distinguer
lesdites marques à considérer chacune comme un tout indivisible ;
Qu’il échet, au regard de ce qui précède, d’infirmer le jugement
entrepris ;
Considérant que l’appelante a été condamnée à verser à l’intimée
la somme de 3.000.000 (trois millions) de francs à titre de dommages-intérêts
fondée sur la réparation du préjudice que ladite intimée aurait subi du fait de
l’utilisation du terme « Royal » par la société Independent Tobacco
FZCO ;
Mais considérant que cette condamnation n’est pas justifiée, la
faute supposée la fonder n’ayant pas été établie ; qu’en l’espèce
l’enregistrement de la marque « Business Royals » au profit de
la société appelante a été décidé par l’Organisation Africaine de la Propriété
Intellectuelle qui avait le loisir de l’accorder ou de le refuser ;
Qu’ainsi, en l’absence de faute imputable à l’appelante, il y a
lieu d’infirmer la décision querellée sur ce point également ;
Considérant que conformément aux prescriptions de l’article 50 du
code de procédure civile et commerciale, la société Rothmans of Pall Mall LTD
qui a succombé doit supporter les dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties,
en chambre civile, en appel et en dernier ressort, en collégialité et à
l’unanimité ;
EN LA FORME
Reçoit l’appel interjeté ;
AU FOND
Infirme le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau ;
Déclare la société Rothmans of Pall Mall LTD non fondée en ses
prétentions et l’en déboute ;
La condamne aux entiers dépens.