Tribunal de Première Instance de Yopougon
Jugement civil N°187 du 21 mars 2013
SIVOP, S.A.
c/
SOCIETE ANGEL COSMETICS S.A.
Le Tribunal,
Par acte extrajudiciaire en date du 19 Novembre 2012, la S.A.
Société Ivoirienne de Parfumerie dite SIVOP ayant son siège à Yopougon Zone
Industrielle, agissant via son Président Directeur Général, a assigné la
société ANGEL COSMETICS ayant son siège à Kinshasa, par devant le Tribunal de
Première Instance de Yopougon.
Par cette assignation, la demanderesse sollicite de la juridiction
civile de ce siège, de voir celle-ci :
- Dire que la SIVOP est recevable en son action ;
- Juger cette action bien fondée ;
- Prononcer en conséquence l'annulation, avec toutes les
conséquences de droit, en vertu des dispositions pertinentes de l'article 24 de
l'Annexe III de l'Accord de Bangui Révisé, de l'enregistrement N°57406 de la
marque CAROLIGHT, reçu par l'Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle
dite OAPI au bénéfice de la société ANGEL COSMETICS ;
- Mettre les entiers dépens de l'instance à la charge de la
défenderesse ;
Au soutien de son action, la SIVOP, par la voix de son Avocat, Me
Michel Henri KOKRA, explique, pièces à l'appui, que le 07 Septembre 2006, elle
a déposé la marque CAROLIGHT, plus le logo inhérent, auprès de l’OAPI, pour les
produits des classes 3, 20 et 25.
Elle indique que sa demande a été réceptionnée sous le numéro
32006011659 et l'enregistrement qu'elle a sollicité a été obtenu à son profit
et opéré par l'OAPI sous le numéro 54659 en date du 30 novembre 2006.
La SIVOP précise que la décision d'enregistrement susvisée a été
publiée au Bulletin Officiel de la Propriété Intellectuelle (dite BOPI) de
l'OAPI N°6/2006.
La demanderesse ajoute que, contre toute attente, la société ANGEL
COSMETICS a demandé le 04 Septembre 2007 auprès de l'OAPI, l'enregistrement de
la même marque, CAROLIGHT, en revendiquant en outre la priorité d'un dépôt
préalable effectué en République Démocratique du Congo (RDC) le 12 octobre
2005, soit 02 années plutôt, demande d'enregistrement aussitôt agréée par
l'OAPI sous le numéro 57406 mais sans égard pour sa revendication somme toute
tardive de priorité.
Une demande de restauration, poursuit la SIVOP, a été en sus
introduite par ANGEL COSMETICS le 10 octobre 2007 auprès du Directeur Général
de l'OAPI, aboutissant à une décision de restauration de la priorité
revendiquée lors du dépôt, créant ainsi des droits au bénéfice de la
défenderesse.
La demanderesse estime que cette décision de restauration, effet
de l'enregistrement contesté, est illégale et doit être annulée d'où la
présente saisine, en invoquant les moyens suivants.
La SIVOP considère ainsi qu'aux termes de l'article 4D de la
Convention d'Union de Paris (CUP) et 5.1 du règlement OAPI sur la restauration
de la priorité rattachée à une demande antérieure, le requérant doit produire à
l'appui de sa demande, une copie certifiée conforme de l'acte de dépôt par
l'Administration qui aura reçu cette demande, or en l'espèce la société ANGEL
COSMETICS n'aura produit à l'appui de sa demande que des copies certifiées par
l'état-civil de Bamako, MALI, et ce en violation des dispositions susvisées,
entachant ainsi sa demande d'une irrégularité formelle qui aurait dû entraîner
son rejet.
Par ailleurs, souligne la SIVOP, la demande de restauration de la
société ANGEL COSMETICS à l'OAPI était fondée à la fois, sur la faute du
mandataire non explicitée, et surtout sur des allégations de circonstances
exceptionnelles tenant à une prétendue situation de crise qui aurait entraîné
l'arrêt de toute activité économique et empêché ANGEL COSMETICS de déposer sa
demande d'enregistrement sous priorité congolaise dans le délai imparti.
La demanderesse soutient de prime abord que ces différents
arguments sont contradictoires car le non-accomplissement des formalités par la
défenderesse ne pouvait trouver à la fois sa source dans une prétendue faute de
son mandataire résidant au Cameroun et dans la crise politico-militaire en RDC
et qu'alléguer cela relevait de la part de ANGEL COSMETICS d'une fiction forgée
pour les besoins de la cause, ce dont la SIVOP entend rapporter la preuve.
Qu'ainsi, selon cette dernière, le Gouvernement de la RDC a
affirmé, par son Ministère de l'intérieur qu'absolument aucune circonstance n'a
troublé la paix publique et le fonctionnement des services publics et privés
dans la ville de Kinshasa, lieu d'établissement de la société ANGEL COSMETICS,
depuis 2004 à ce jour.
Que de même, ajoute la S1VOP, l'Administration des Postes de la
RDC a affirmé également que le fonctionnement de ses services n'a jamais été
interrompu durant la même période.
La demanderesse en conclut donc que la décision de restauration
N°217 du 11 octobre 2008 est illégale pour avoir été rendue en violation de la
loi quant à la forme et sur la base de fausses allégations quant au fond et
ladite décision, extorquée selon elle en abusant la religion du Directeur
Général de l'OAPI et basée sur de faux motifs, ne saurait produire le moindre
effet et doit être retirée.
La SIVOP souligne que c'est dans ce sens qu'elle a adressé une
requête à Monsieur le Directeur Général de l'OAPI car l'Administration à
l'origine d'un acte illégal a l'obligation de réparer l'atteinte au principe de
légalité.
Puis, se fondant sur l'article 24 de l'Annexe III de l'Accord de
Bangui Révisé, qu'elle résume tout en la citant entièrement, la SIVOP relève
que le titulaire d'un droit antérieur peut demander devant les tribunaux civils
l'annulation des effets de l'enregistrement d'une marque sur le territoire
national lorsque la marque querellée est en conflit avec ce droit antérieur.
Soutenant qu'elle est la première déposante de la marque CAROLIGHT
en OAPI, elle s'en estime la seule et unique propriétaire et en conséquence
considère que la marque CAROLIGHT enregistrée ultérieurement par l'OAPI au
profit de la société ANGEL COSMETICS est en conflit avec les droits antérieurs
que la SIVOP détient de son enregistrement, concluant ainsi au bien-fondé de
ses chefs de prétentions, dont elle sollicite l'entière satisfaction.
En réplique, la société ANGEL COSMETICS, plaide, par l'organe de
son conseil, la SCPA HOUPHOUET-SORO et Associés, au principal l'irrecevabilité
de l'action de la SIVOP et subsidiairement conclut au fond au rejet de la
demande comme mal fondée.
ANGEL COSMETICS qui rappelle que son siège est en République
Démocratique du Congo (RDC), expose, pièces à l'appui, que le 12 Octobre 2005,
elle a déposé auprès des autorités administratives compétentes de cet Etat
non-membre de l'OAPI une demande d'enregistrement de la marque « CAROLIGHT » en
vue de sa protection, laquelle demande fut agrée par l'autorité concernée le 17
octobre 2005.
La défenderesse indique que cependant, la société la SIVOP ayant
déposé également, à l'enregistrement, la même marque mais plutôt auprès de
l’OAPI, ANGEL COSMETICS sollicitait de cet organisme le 10 Octobre 2007 la
restauration de ses droits de priorité congolaise sur la marque « CAROLIGHT »,
ce que le Directeur Général de l'OAPI lui accordait par Décision rendue sous le
numéro 217/OAPI/DG/DPI/DAJ/SSD/SAJ du 11 Octobre 2007 et qui rendait la
défenderesse unique propriétaire de la marque en cause, et ce, rétroactivement
à compter de l'enregistrement de cette marque effectué le 12 octobre 2005 en
RDC.
ANGEL COSMETICS s'étonne donc de s'être vue servie l'assignation
par la SIVOP et entend démontrer que c'est à tort.
Sur l'irrecevabilité qu'elle soulève, la défenderesse soutient
d'une part, que l'annulation sollicitée par son adversaire sur le fondement de
l'article 24 de l'Annexe III de l'Accord de Bangui du 02 mars 1977 révisé le 24
Février 1999 « ne peut être prononcée que sur demande du titulaire du droit
antérieur » et par conséquent, estime que la SIVOP qui diligente l'action contestée
n'est nullement titulaire en l'espèce d'un droit antérieur dans la mesure où le
dépôt de « CAROLIGHT » par elle en RDC date du 12 Octobre 2005 alors
que celui de son adversaire date du 07 septembre 2006 donc postérieurement au
sien.
ANGEL COSMETICS souligne que tant que subsistera la décision
rendue sous le numéro 217/OAPI/DG/DPI/DAJ/SSD/SAJ au 11.10.2008 précitée
portant restauration, qui lui profite, elle doit être considérée comme la seule
titulaire du droit antérieur visée par l'article 24 précité et donc, que doit
être déclarée irrecevable la SIVOP qui s'en prévaut.
D'autre part, ajoute subsidiairement la défenderesse, la
juridiction civile de céans devrait, si elle passait outre éventuellement la
fin de non-recevoir susmentionnée, surseoir à statuer en attendant la réaction
du Directeur Général saisi à cet effet par ANGEL COSMETICS le 14 Mai 2012 aux
fins d'opposition à l'enregistrement de la marque « CAROLIGHT » au profit de la
SIVOP, et qui n'a point encore rendu de décision.
Très subsidiairement, ANGEL COSMETICS conclut au mal fondé de
l'action en soutenant que l'enregistrement par elle obtenu est conforme aux
dispositions des articles 2 et 3 de l'Annexe III de l'ABR susvisé et qu'il ne
peut en conséquence être fait droit à la demande d'annulation formulée à tort
selon elle par la SIVOP.EN LA FORME
Sur le caractère de la décision
Attendu que la défenderesse a comparu et conclu ;
Qu'il sied de statuer par décision contradictoire ;
Sur la recevabilité de l'action
De l'exception d'irrecevabilité tirée du défaut de qualité de
titulaire d'un droit antérieur
Attendu que la défenderesse excipe du défaut de qualité (de
titulaire d'un droit antérieur) de la demanderesse pour conclure à
l'irrecevabilité de son action ;
Qu'elle se considère de toute évidence comme seule titulaire dudit
droit antérieur en vertu de la décision N°217 susmentionnée et donc seule
habilitée à exercer cette action éventuellement ;
Attendu en effet que l'article 24 de l'Annexe III de l'Accord de
Bangui du 02 mars 1977 révisé le 24 Février 1999 dispose bien que «
l'annulation des effets sur le territoire national de l'enregistrement d'une
marque est prononcée par les tribunaux civils (...) »
Que « sur requête des demandeurs (...) le tribunal déclare nul et
non avenu, l'enregistrement d'une marque, au cas où cette dernière n'est pas
conforme aux dispositions des articles 2 et 3 de la présente Annexe ou est en
conflit avec un droit antérieur, dans ce dernier cas, l'annulation ne peut être
prononcée que sur demande du titulaire du droit antérieur » ;
Qu'en conséquence ne peut, en tout état de cause, être déclaré
recevable tout demandeur ne justifiant point de la qualité susvisée ;
Mais attendu qu'il en va autrement quand le demandeur a un intérêt
légitime à se voir reconnu titulaire dudit droit antérieur, notamment quand ce
droit a existé à son profit à un moment donné et qu'en ayant été déchu, il a
justement intérêt à recouvrer ledit droit en attaquant par toutes voies
juridiques la décision emportant sa déchéance ;
Attendu qu'en l'espèce la décision N°217/0API/DG/DP1/DAJ/SSD/SAJ
du 11 octobre 2008 entreprise était venue priver la demanderesse de ses droits
nés de l'enregistrement à l'OAPI en date du 30 novembre 2006 sous le numéro
54659 à son profit de la marque disputée ;
Que ce droit dont il était titulaire à l'OAPI est bien antérieur à
celui de la défenderesse, intervenu bien après, en 2007, voire en 2008 ;
Attendu en sus que l'intérêt à agir dans ce cas ne se distingue
pas de la qualité à agir contenue tant dans l'article 24 de l'ABR précité que
celle formulée à l'article 3.2 du code de procédure civile ;
Attendu donc que l'action de la SIVOP a été initiée conformément à
la loi et remplit bien les conditions de recevabilité ;
Qu'il y a lieu de la déclarer recevable ;
AU FOND
Sur l’annulation de l'enregistrement N°57406 du 31 Août 2007
Du sursis à statuer
Attendu que la défenderesse invoque le sursis à statuer, motifs
pris de ce qu'elle a saisi le Directeur Général de l'OAPI le 14 mai 2012 d'une
requête aux fins d'opposition à l'enregistrement de la marque « CAROLIGHT » au
profit de la SIVOP ;
Que la société ANGEL COSMETICS estime en effet qu'en prétextant
selon elle de l'illégalité de la décision de restauration des droits de
priorité congolaise qui lui confère la propriété de la marque « CAROLIGHT »
pour saisir la juridiction civile de céans, alors même que son propre titre est
contesté devant les instances de l'OAPI, il se pose inéluctablement une
question préjudicielle de propriété alors même que le Tribunal saisi est
incompétent pour dire qui des deux parties est propriétaire de la marque
disputée et il y a donc lieu pour cette instance judiciaire de surseoir à
statuer, jusqu'à ce que l'autorité compétente saisie, notamment le Directeur
Général de l'OAPI en l'espèce, ait vidé sa saisine ;
Qu'en résumé, elle fonde ce moyen tant sur cette saisine-même que
sur le caractère selon elle préjudiciel de la question de la propriété de la
marque disputée qui ne peut être tranchée que par une décision de l'OAPI et
subsidiairement par un Tribunal ;
Attendu cependant que laisser prospérer un tel moyen serait
méconnaître gravement tant l'esprit que la lettre des dispositions législatives
régionales et internationales régissant la protection de la propriété
industrielle qui, toutes sans exception, imposent la primauté et l'indépendance
du judiciaire s'agissant du contentieux de ladite propriété ;
Que de la sorte, les décisions des tribunaux sur la validité des
titres de propriété industrielle s'imposent aussi bien au titulaire du droit de
propriété industrielle qu'à l'Office de propriété industrielle qui a délivré le
titre ;
Que même l'ABR par exemple, aux termes de l'article 24 alinéa 2 de
l'Annexe III précité, met ledit Office dans la liste des demandeurs, c'est à
dire au rang des justiciables au même titre que tout autre intéressé pouvant
solliciter la nullité d'un enregistrement que cet Office aurait lui-même agrée
auparavant, preuve supplémentaire de la sujétion dudit Office de protection au
judiciaire ;
Qu'en cela, cette disposition rejoint l'article 18 de l'ABR qui
fait prévaloir la primauté de l'autorité et l'indépendance des décisions
judiciaires et soumet les organes dirigeants de l'OAPI à la censure des
Tribunaux civils dans leurs actes et décisions relatives à la mise en œuvre des
instruments de protection de la propriété industrielle ;
Qu'il en va de même des articles 41.4 et 62.5 de l'Accord sur les
Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce (dit
ADPIC) et auquel se réfère l'ABR qui disposent respectivement que les parties à
une procédure auront la possibilité de demander la révision par une autorité
judiciaire des décisions administratives finales et que les décisions
administratives finales dans l'une quelconque des procédures mentionnées au
paragraphe 4, c'est-à-dire celles d'acquisition et de maintien en vigueur des
droits de propriété, pourront toujours faire l'objet d'une révision par une
autorité judiciaire ou quasi-judiciaire ;
Qu'au surplus, la jurisprudence tout comme la doctrine ne sont pas
en reste sur la solution ainsi retenue par tous les instruments de protection
de la propriété industrielle, ce qui est d'ailleurs rappelé par le Guide OAPI
du Magistrat et des Auxiliaires aux pages 95-96 ;
Attendu que de tout ce qui précède, il est acquis qu'une décision
judiciaire peut intervenir en tout état de cause et que les questions soumises
à l'Office de propriété industrielle dans le cadre de ses procédures,
n'empêchent point le judiciaire de trancher les mêmes questions, surtout que,
si les recours gracieux sont enfermés dans des délais stricts, la possibilité
du recours judiciaire reste quasi-permanente ;
Attendu qu'en l'espèce, les deux parties ont formé recours interne
devant le Directeur Général, la SIVOP le 07 mai 2012 en retrait, et la société
ANGEL COSMETICS, le 14 mai de la même année, en opposition
Attendu qu'il est notable que ces deux recours, le premier initié
04 années après l’enregistrement contesté, et le second, intenté 06 années
après l'enregistrement remis en cause, soit pour ces deux saisines, plus des 06
mois de délai de recours légalement prévus par l’ABR (cf. art. 18 Annexe III
précité), sont des recours hors délais ne pouvant être valablement reçus par
l'OAPI, dont les décisions contestées ne peuvent en conséquence, dans ces
circonstances, ne faire que l'objet d'un recours judiciaire parce qu'étant,
entre autres, finales puisque les délais de recours internes sont entièrement
épuisés ;
Attendu en l'espèce que ces deux recours, au surplus formés hors
délai contre l'enregistrement de la même marque au profit de l'une et de
l'autre, ne sauraient valablement imposer au Tribunal de céans un sursis à
statuer et ce d'autant plus qu'en outre, il n'y a aucune question préjudicielle
en la présente cause, ni à l'action ni au jugement, puisque l'OAPI, comme tout
Office de propriété intellectuelle ou industrielle, protège ladite propriété
mais ne la crée pas par son enregistrement ;
Qu'il n'y a donc pas lieu pour la juridiction de céans de surseoir
à statuer ;
Sur l'annulation sollicitée
Attendu que la SIVOP demande l'annulation de l'enregistrement
susmentionné et opéré au bénéfice de la société ANGEL COSMETICS, sur le
fondement de l'article 24 de l'Annexe III de l'ABR, au motif que le droit de
priorité obtenu par la défenderesse l'a été par fraude, à la fois sur la base
de documents insuffisants au regard du règlement sur la restauration de droits
et sur l'allégation selon elle mensongère d'événements fictifs invoqués par la
défenderesse pour justifier sa carence et ainsi abuser le Directeur Général de
l'OAPI ;
Attendu que la défenderesse au contraire soutient que
l'enregistrement de la marque « CAROLIGHT » par elle est parfaitement
conforme aux dispositions des articles 2 et 3 de l'Annexe III de l'ABR et en
conséquence conclut au débouté de la demanderesse ;
Attendu que l'article 24 précité dispose que le tribunal déclare
nul et non avenu, l'enregistrement d'une marque, au cas où cette dernière n'est
pas conforme aux dispositions des articles 2 et 3 de la présente Annexe ou est
en conflit avec un droit antérieur ;
Attendu que l'analyse de la décision N°217/0AP1/DG/DPI/DAJ/SSD/SAJ
du 11 octobre 2008, permet de relever que le Directeur Général de l'OAPI vise
l'article 25 de l'Annexe III de l'ABR et restaure « les droits de priorité
congolaise rattachés à la marque "CAROLIGHT" N°57406 déposés le 04
septembre 2007 au nom de ANGEL COSMETICS » ;
Attendu cependant que la RDC n'étant pas membre de l'OAPI, les
enregistrements reçus par son Office de protection de propriété industrielle ne
sauraient prévaloir sur ceux reçus par l'OAPI et encore moins être d'égale
valeur vis-à-vis de cette Organisation ;
Attendu en outre que la restauration et la priorité prévues par
l'ABR doivent s'entendre comme concernant les enregistrements reçus par l'OAPI
ou dans l'un de ses Etats-membres, les bénéficiaires d'enregistrements dans les
pays tiers ne pouvant profiter de la protection de l'OAPI qu'en demandant
l'extension de la protection d'origine à l'espace OAPI en vertu de l'article 45
de l'ABR qui dispose que les titres en vigueur dans un Etat avant son adhésion
à l'ABR continuent à produire leurs effets dans ledit Etat conformément à la
législation en vigueur au moment de leur dépôt ;
Que les titulaires de ces titres qui voudront étendre la
protection sur l'ensemble du territoire de l'Organisation avant leur expiration
devront formuler une demande d'extension auprès de l'Organisation selon les
modalités fixées par le règlement d'application ;
Attendu donc qu'un détournement manifeste de procédure a été ainsi
opéré en usant de la procédure de revendication de priorité et de restauration
visées aux articles 11 et 25 de l'Annexe III de l'ABR là où la loi prévoit une
procédure d'extension de protection visée par l'article 45 précité de l’ABR, les
premières ne pouvant concerner qu'un titre préalablement enregistré dans
l'espace OAPI et la seconde étant réservée à un titre enregistré hors ledit
espace ;
Qu'un tel détournement de procédure entériné par le Directeur
Général de l'OAPI vicie sa décision ainsi rendue ;
Qu'il convient, de constater judiciairement la nullité d'une telle
décision ;
Attendu qu'au surplus, s'agissant de la décision de
restauration-même, celle-ci encourt nullité par ailleurs quant à son contenu
car les motifs qui sont invoqués à son appui sont, au vu des productions, non
établis ;
Qu'en effet, outre le fait que la demande de ANGEL COSMETICS
n'aurait jamais dû être reçue en la forme par l'OAPI dans la mesure où le
document produit à l'appui de cette demande n'a pas été certifié conforme par
l'Office de protection d'origine mais plutôt par un officier d'Etat-civil et
qu'à supposer qu'en RDC c'est seulement cet Officier qui est le seul
certificateur reconnu par les lois nationales, il est à présent incontestable
que le motif de la cessation d'activité liée à la Guerre en RDC n'est pas avéré
.
Que des productions, il ressort que même les deux exemples de
circonstances indépendantes de la volonté du déposant, donnés à titre indicatif
à l’article 4 du Règlement relatif à la restauration des droits, issu de la
Résolution n °44 /13 du Conseil d'Administration qui s'est tenu à Cotonou, le 4
décembre 2004, à savoir : l'interruption des services postaux et la perte ou le
retard inévitable du courrier, qui doivent revêtir les caractères de la force
majeure, c'est-à-dire être imprévisibles, irrésistibles et insurmontables,
n'étaient point en l'espèce réunies et n 'avaient pu valablement fonder la
décision de restauration également contestée ;
Qu'ainsi, les courriers tant du Gouvernement de la RDC que des
services postaux de ce pays, versés au dossier, attestent bien que ces
circonstances n'existaient pas et n'ont pas existé de 2004 à ce jour à
Kinshasa, lieu d'établissement de la société ANGEL COSMETICS et qui auraient pu
l'empêcher d'agir à temps pour solliciter l'extension de la protection initiale
de l’Office de la RDC ;
Qu'en reprenant à son compte ces allégations trompeuses pour
fonder sa décision, au demeurant illégale à l'origine, l'organe dirigeant de
l'OAPI a outrepassé ses compétences et n'a pu en conséquence valablement
conférer des droits licites à ANCEL COSMETICS ;
Attendu enfin, qu'aux termes de l'article 5 de l'Annexe III de
l'ABR, « la propriété de la marque appartient à celui qui, le premier, en a
effectué le dépôt » et que les articles 2 et 3 susvisés disposent entre autres
qu'une marque ne peut être valablement enregistrée si elle est identique à une
marque appartenant à un autre titulaire et qui est déjà enregistrée, ou dont la
date de dépôt ou de priorité est antérieure ;
Qu'en définitive, au vu de tout ce qui précède, il sied de
déclarer nul et non avenu l'enregistrement N°57406 en date du 4 Septembre 2007
de la marque « CAROLIGHT » au nom de la société ANGEL COSMETICS avec
toutes les conséquences de droit notamment l'invalidation de plein droit de la
Décision de Restauration, au demeurant illégale, rendue sous le
N°217/OAPI/DG/DPI/DAJ/SSD/SAJ du 11 octobre 2008 portant sur les droits de
priorité congolaise rattachée à la marque « CAROLIGHT » déposée le 04 septembre
2007 au nom de ANGEL COSMETICS ;
Sur les dépens
Attendu que la défenderesse succombe ;
Qu'il sied de la condamner aux entiers dépens de l'instance ;
PAR CES MOTIFS
Statuant en audience publique, par décision contradictoire, en
matière civile et en premier ressort ;
Après délibérations conformes à la loi ;
Dit inopérante l'exception d'irrecevabilité pour défaut de qualité
formulée par la société ANGEL COSMETICS ;
Déclare en conséquence l'action de la SIVOP recevable ;
Rejette le sursis à statuer invoqué en outre par la défenderesse
et réaffirme, en vertu des dispositions pertinentes de l'Accord de Bangui
Révisé, la primauté des décisions judiciaires sur les décisions internes de
l'OAPI ;
Dit en sus l'action de la demanderesse bien fondée et y fait droit
;
En conséquence, déclare nul et non avenu l’enregistrement n°57406
en date du 4 Septembre 2007 de la marque « CAROLIGHT » au nom de la
société ANGEL COSMETICS ;
Prononce cette annulation avec toutes les conséquences de droit,
notamment l'invalidation de plein droit de la Décision de Restauration, au
demeurant illégale, rendue sous le numéro 217/OAPI/DG/DPI/DAJ/SSD/SAJ du 11
octobre 2008 portant sur les droits de priorité congolaise rattachée à la
marque « CAROLIGHT » déposée le 04 septembre 2007 au nom de ANGEL COSMETICS ;
Condamne la défenderesse aux entiers dépens de l'instance.