Cour de cassation Niger
Arrêt N°15-040-Civ du 21 Avril 2015
SONITEL
c/
AGENCE
KIBYA
La Cour,
Après la lecture du rapport
par Monsieur Zakari Kollé, conseiller rapporteur, les conclusions du Ministère
Public et en avoir délibéré conformément à la loi ;
Statuant
sur le pourvoi de Maître MOSSI Boubacar, Avocat à la Cour, Conseil constitué de
la SONITEL, formé par requête écrite déposée au greffe de la Cour d’Appel de
Niamey le 29 juin 2012, enregistré au greffe de la Cour d’Etat le 05 juillet
2012, contre l’arrêt n°93 du 15 août 2011 de la Cour d’Appel de Niamey qui a
reçu la SONITEL en son opposition faite à l’arrêt n°126 du 04 octobre 2010
régulière en la forme, puis au fond a :
-
infirmé le jugement attaqué en ce qu’il a déclaré irrecevable l’action de
l’agence Kibya et l’a condamnée à payer à la SONITEL la somme de 20.000.000
FCFA ;
- dit que l’action de
l’agence Kibya est recevable ;
- condamnée la SONITEL à
payer la somme de 5.000.000 FCFA à titre de dommages et intérêts ;
- rejeté la demande
reconventionnelle de la SONITEL ;
- condamné la SONITEL aux
dépens ;
Vu la loi n°2004-50 du 22
juillet 2004, portant organisation judiciaire en République du Niger ;
Vu l’ordonnance n°2010-16 du
15 avril 2010, déterminant l’organisation, la composition, les attributions et
le fonctionnement de la Cour d’Etat ;
Vu la loi n°2013-03 du 23
janvier 2013, déterminant l’organisation, la composition, les attributions et
le fonctionnement de la Cour de Cassation ;
Vu
les articles 2 alinéa 2 de la loi n°2004-50 du 22 juillet 2004, portant
organisation judiciaire en République du Niger et 31 de l’Ordonnance n°93-27 du
30 mars 1993, portant sur les droits d’auteur au Niger et de l’Annexe VII de
l’Accord de Bangui, portant sur l’Organisation Africaine de la Propriété
Intellectuelle ;
Vu
la requête de pourvoi ;
Vu
le mémoire en défense ;
Vu
les pièces du dossier ;
Vu
les conclusions du Ministère Public ;
Sur
la recevabilité du pourvoi.
Attendu
que la requérante a signifié son pourvoi à l’Agence Kibya défenderesse, par
exploit d’huissier en date du 29 juin 2012 ; Qu’il y a lieu de déclarer le
pourvoi recevable comme ayant été introduit dans les forme et délai prévus par
la loi ;
SUR LE FOND
Attendu
qu’à l’appui de son pourvoi, la SONITEL a soulevé deux moyens :
Sur
le premier moyen pris de la violation de l’article 2 alinéa 2 de la loi
n°2004-50 du 22 juillet 2004, portant organisation judiciaire en République du
Niger pour insuffisance de motifs ;
Attendu
que la requérante reproche à ce propos à la Cour d’Appel de Niamey d’être
parvenue au constat de la violation des droits d’auteur de l’Agence Kibya, en
énonçant tout simplement sans autres démonstrations, « qu’il est établi et non
contesté, que SONITEL et l’Agence IMAN ont procédé à une exploitation
commerciale de la photographie litigieuse sans l’accord préalable de l’Agence
Kibya et en ont de ce fait tiré profit pécuniaire et le tout en violation de
l’article 28 de l’Ordonnance n°93-27 du 30 mars 1993, portant sur les droits
d’auteur au Niger et de l’Annexe VII de l’Accord de Bangui révisé, instituant
l’OAPI », violant ainsi le texte visé au moyen ;
Attendu
en revanche que selon la défenderesse, l’arrêt est d’autant plus motivé qu’il a
soutenu cette solution par « l’analyse attentive des différents moyens invoqués
par les parties au fond, dont notamment des sommations et des procès-verbaux de
constats dressés par un huissier qui font foi jusqu’à inscription de faux » ;
Attendu
que l’obligation de motivation des arrêts et jugements suppose que le juge ait
fondé sa décision sur des arguments de fait et de droit vérifiables à première
lecture pour permettre à la juridiction de cassation d’exercer de manière aussi
aisée que possible son contrôle de légalité ;
Attendu
en l’espèce que l’arrêt attaqué n’a pas été assez explicite dans ses
motivations et ne met pas ainsi la cour de céans à même d’exercer ledit
contrôle ;
Qu’il
doit encourir cassation et annulation de ce chef ;
Sur
le second moyen tiré de la violation de l’article 31 de l’Ordonnance n°93-27 du
30 mars 1993, portant sur les droits d’auteur au Niger et de l’Annexe VII de
l’Accord de Bangui, portant sur l’Organisation Africaine de la Propriété
Intellectuelle, ratifiée par notre pays,
Aux
termes de ce texte, « lorsque l’œuvre est créée pour le compte d’une personne
physique ou d’une personne morale, privée ou publique, dans le cadre d’un
contrat de travail de l’auteur ou bien lorsque l’œuvre est commandée par une
telle personne à l’auteur, le premier titulaire des droits patrimoniaux et
moraux est l’auteur, mais les droits patrimoniaux sur cette œuvre sont
considérés comme transférés » ;
Attendu
que selon la demanderesse au pourvoi, c’est donc à tort et en violation de ce
texte que sa responsabilité a été retenue pour violation des droits
patrimoniaux d’autrui et des condamnations au payement de dommages et intérêts
prononcées à son encontre, dès lors qu’en vertu du contrat de cession passé
avec l’Agence Kibya créatrice des œuvres en cause, dont elle a d’ailleurs réglé
les factures correspondantes, tous ces droits lui sont transférés et qu’elle
pourrait en faire un usage conforme suivant ses moyens habituels de marketing ;
Attendu
qu’à l’inverse l’Agence Kibya soutient que conformément aux termes de l’article
8 de l’Ordonnance n°2010-95 du 23 décembre 2010, portant droit d’auteur au Niger,
« le droit moral est attaché à la personne de l’auteur, perpétuel, inaliénable,
imprescriptible et insaisissable et transmissible à cause de mort aux héritiers
de l’auteur », que par conséquent nul ne pourrait lui dénier le droit de
revendiquer la paternité de son œuvre que l’Agence IMAN a communiquée au grand
public à la demande de la SONITEL sans faire référence sur l’affiche, à
l’auteur de la photographie ainsi reproduite qu’elle était ;
Attendu
en effet, que si le principe de cession des droits d’auteur est admis, il ne
doit cependant pas priver l’auteur de faire continuellement référence à lui par
la mention de son nom sur tout support de communication au public utilisé par
le bénéficiaire ;
Attendu
en l’espèce que l’arrêt attaqué rendu par la Cour d’Appel de Niamey n’a pas
spécifié dans ses motifs que la SONITEL par l’Agence IMAN interposée, a
respecté ce principe ou non, violant ainsi le texte que dessus visé aux moyens
;
Qu’il
doit également encourir cassation et annulation de ce chef ;
PAR
CES MOTIFS
-
Déclare le pourvoi de SONITEL recevable en la forme ;
-Au
fond, casse et annule l’arrêt n°93 du 15 août 2011 de la Cour d’Appel de Niamey
;
-Renvoie
la cause et les parties devant la même juridiction autrement composée ;
-Condamne
Agence Kybia aux dépens.