2ième espèce
Tribunal de Grande Instance du MFOUNDI (Yaoundé)
Jugement N°96/Com du 04 Mai 2016
SOCIETE PASTACORP
c/
TANKOUNANG Jean Delors et SOCIETE NOSOCO TOGO
Sarl.
Le Tribunal,
Attendu que suivant exploit du 21 juillet 2015 enregistré à
Yaoundé le 23 juillet 2015, sous le volume 20 folio 79, case et bordereau 3051
aux droits de quatre mille francs, du Ministère de Maître TCHUENKAM, Huissier
de Justice dans ladite ville, La Société PASTACORP, dont le siège social est en
France, Avenue |RGG de la Lauzicre, 13056 Aix-en-Provence Cedex 3, a fait
donner assignation à Monsieur TANKOUNANG Jean Delors, Promoteur des ETS DYNALO
& FRERES, distributeur exclusif des produits COUSCOUS SIPA à Yaoundé et à
la Société NOSOCO-TOGO SARL, dont le siège social est à Lomé, Avenue de la
Libération représentée par TANKOUNANG Jean Delors, d'avoir à comparaître par
devant la juridiction de céans statuant en matière commerciale pour est-il dit
dans cet acte :
Annuler simplement et purement l’enregistrement de la marque
« COUSCOUS SIPA » numéro 47511 ;
Ordonner la radiation de ladite marque des registres de l’OAPI ;
Condamner Nabil Tarraf, la société NOSOCO TOGO SARL et Monsieur
TANKOUNANG Jean Delors aux entiers dépens ;
Attendu qu’au soutien de son action, elle expose qu’elle est
propriétaire par voie de cession de la marque semi- figurative « SIPA »
n°21047, déposée le 9 février 1981 à l’Organisation Africaine de la Propriété
Intellectuelle en abrégé OAPI par la Société RIVOIRE ET CARRET LUSTACRU (RCL)
pour la commercialisation du « couscous, semoules et pâtes alimentaires de
toutes sortes » ;
Que cet enregistrement a fait l’objet de renouvellements
successifs en 1991, 2001 puis en 2011 pour une nouvelle période de dix (l0) ans
soit jusqu’au 9 février 2021 ;
Que depuis lors la Société NOSOCO TOGO SARL, et son gérant sieur
NABIL TARRAF KOUDJOCK étaient en relations d’affaires avec la Société Rivoire
et Carret Lustacru (CRL) et dans le cadre de celles-ci, la Société NOSOCO TOGO
SARI, achetait auprès de cette dernière des produits de marque « COUSCOUS
SIPA » pour les revendre en Afrique ;
Que contre toute attente, le 16 juillet 2002, la Société NOSOCO
TOGO SARL et son gérant NABIL TARRAF ont déposé en leur nom auprès de l'OAPI,
une demande d'enregistrement de la marque « COUSCOUS SIPA » et sans
qu'aucune recherche d'antériorité ne soit faite, l’OAPI a enregistré cette
nouvelle marque « COUSCOUS SIPA » au nom de sieur NABIL TARRAF sous le
numéro 47511 ;
Qu’après cet enregistrement, ladite Société a commencé à produire
et à vendre des produits revêtus de la marque « COUSCOUS SIPA » ;
Qu’après investigation, il est apparu que les produits marqués «
COUSCOUS SIPA » de la société NOSOCO TOGO SARL sont distribués à Yaoundé par
sieur TANKOUNANG Jean Delors, Promoteur des établissements DYNALO et FRERES et
dont les factures portent la mention distributeur exclusif des produits
« COUSCOUS SIPA » ;
Qu’elle estime que les défendeurs ont agi de mauvaise foi et par
fraude ;
Qu'elle sollicite pour cette raison qu'il soit fait droit à ses
demandes ;
Qu'à l'appui de ses allégations, elle verse aux débats les
documents suivants :
- Le contrat de cession de la marque semi-figurative « SIPA »
n°21047 déposée le 09 février 1981 à l'Organisation Africaine de la Propriété
Intellectuelle ;
- Les actes de renouvellements successifs de l'enregistrement de
la marque « SIPA » en 1991, 2001 et 2011 ;
- Les thermocopies des bons, chèques de règlement de la société
NOSOCO TOGO ;
- Le certificat d'enregistrement de la marque « Couscous
SIPA » à l’OAPI au nom de sieur NABIL TARRAF sous le numéro 47511 ;
- Le procès-verbal de constat du 04 juillet 2015 du Ministère de
Maître TCHUENKAM, huissier de justice à Yaoundé ;
- Les factures d’achat des produits couscous SIPA aux
établissements DYNALO et FRERES ;
Attendu que bien que régulièrement réassignés suivant exploit du
même Huissier de Justice, enregistré à Yaoundé I le 17 septembre 2015 sous le
volume 28, folio 129, case et bordereau 21234/1 aux droits de quatre mille
francs, les défendeurs n’ont ni comparu, ni conclu ;
Qu’il échet de statuer par jugement réputé contradictoire à leur
endroit et contradictoire à l’égard de la demanderesse ;
Attendu que par leur défaillance à comparaître, les défendeurs
démontrent du même coup la carence de leurs moyens de défense à opposer aux
arguments de la demanderesse du reste pertinents ;
Attendu en effet que l’examen des pièces susmentionnées conforte
les allégations de la demanderesse ;
Que l’article 5 alinéa 1 de l’Annexe III de l’Accord de Bangui
Révisé énonce que « … la propriété de la marque appartient à celui qui, le
premier, en a effectué le dépôt » ;
Que l’article 7 alinéas 1 et 3 de ce texte dispose que : «
l’enregistrement de la marque confère à son titulaire le droit exclusif
d’utiliser la marque, ou un signe lui ressemblant, pour les produits ou
services pour lesquels elle a été enregistrée, ainsi que pour les produits ou
services similaires » ;
« L’enregistrement de la marque confère également au titulaire le
droit exclusif d’empêcher tous les tiers agissant sans son consentement de
faire usage au cours d'opérations commerciales de signes identiques ou
similaires pour des produits ou services qui sont similaires à ceux pour lesquels
la marque de produits ou de services est enregistrée dans le cas où un tel
usage entraînerait un risque de confusion. En cas d'usage d'un signe identique
pour des produits et services identiques, un risque de confusion sera présumé
exister » ;
Que l'article 24 alinéas 1 et 2 du même texte poursuit que : «
l'annulation des effets sur le territoire national de l'enregistrement d'une
marque est prononcée par les tribunaux civils à la requête, soit du Ministère
Public, soit de toute personne intéressée » ;
« Sur requête des demandeurs susvisés ou de l’Organisation, le
tribunal déclare nul et non avenu, l’enregistrement d'une marque, au cas où
cette dernière... est en conflit avec un droit antérieur. Dans ce dernier cas,
l'annulation ne peut être prononcée que sur demande du titulaire du droit
antérieur » ;
Attendu que la lecture des dispositions légales sus-évoquées
démontre que l’action de la société PASTACORP mérite d’être déclarée recevable
;
Attendu qu’il est constant que cette société a acquis la marque «
COUSCOUS SIPA » par voie de cession en 2004 auprès de la société Rivoire et
Carret Lastucru (RCL) laquelle a été enregistrée le 09 février 1981 à l'OAPI
sous le numéro 21047 ;
Que cette cession a été faite le 20 avril 2004 et inscrite à
l'OAPI à compter du 17 janvier 2005 ;
Que par ailleurs, la société PASTACORP l'a régulièrement renouvelé
le 09 avril 2009 ;
Attendu qu'il résulte aussi des pièces du dossier de procédure que
la société NOSOCO TOGO SARL dont sieur TANKOUNANG jean Delors est gérant au
Cameroun a commercialisé les produits de la marque « Couscous SIPA »
;
Qu’il s'en dégage alors qu’au moment où sieur NABIL TARRAF
KOUDJOUCK a procédé à l’enregistrement de la marque querellée, il avait pleine
conscience de l’existence d’une marque antérieure identique ;
Que ce faisant, il a procédé par la fraude ;
Qu'il s’en dégage alors que la société PASTACORP est fondée à
solliciter l’annulation de son enregistrement ;
Qu’il échet de faire droit à cette demande ;
Attendu par contre que la radiation obéit à un régime juridique
différent énoncé dans l’article 23 de l'Annexe III de l’Accord de Bangui
Révisé ;
Attendu au demeurant que l’article 24 alinéa 4 du même texte
dispose que : « la nullité est publiée dans les formes prescrites par le
règlement d’application de la présente Annexe. L’enregistrement est considéré
comme nul et non avenu, à compter de la date de cet enregistrement » ;
Qu’il s’en dégage alors que la radiation sollicitée n’est pas
justifiée ;
Qu’il échet de rejeter cette demande ;
Attendu que pour avoir succombé, les défendeurs doivent supporter
les dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard de la
demanderesse, par jugement réputé contradictoire à l’endroit des défendeurs, en
matière commerciale, en premier ressort, après en avoir délibéré conformément à
la loi et à l’unanimité des voix des membres de la collégialité ;
Reçoit la société PASTACORP en son action ;
Dit et juge que les faits articulés par le demandeur sont plutôt
sanctionnés par la nullité et non par la radiation de la marque litigieuse ;
Déclare nul et non avenu l'enregistrement de la marque n°47511
« COUSCOUS SIPA » faite à l'Organisation Africaine de la Propriété
intellectuelle avec toutes conséquences du droit ;
Condamne les défendeurs aux dépens.