Tribunal de Grande Instance du Wouri (Douala)
Jugement N°218 du 19 Septembre 2007
SOCIÉTÉ R.M & Co LIMITED
c/
SOCIETE C.D.M. (SCDM)
Le Tribunal,
Attendu que par exploit d’assignation susvisé de Maître T. JP., Huissier
de Justice à Douala enregistré le 9 Juillet 1997 au volume 02 folio 52 N°10, la
Société R.M. & Co Ltd a fait délivrer assignation à la S.C.D.M. d’avoir à
se trouver et comparaître à l’audience et par devant le Tribunal de grande
Instance de céans pour s’entendre dire et juger que la marque
« CROCODILE » utilisée par la S.C.D.M ressemble en tous points à la
marque déposée « CROCODILE » appartenant à la requérante au point de
pouvoir induire en erreur le public pour les produits dont celle-ci a été
enregistrée ;
S’entendre dire et juger qu’en fabriquant et en mettant sur le
marché des machettes « CROCODILE » la S.C.D.M. a porté atteinte au
choix exclusif de la requérante sur ladite marque ;
S’entendre dire et juger qu’en affirmant que l’un des types de
machettes marquées « CROCODILE » a été fabriqué sous licence de M.,
la S.C.D.M s’est rendue coupable non seulement de contrefaçon, mais aussi de
concurrence déloyale ;
Voir condamner en conséquence la S.C.D.M pour contrefaçon de la
marque « CROCODILE » et pour concurrence déloyale ;
Voir interdire à la S.C.D.M. la poursuite des actes de contrefaçon
sous astreinte de 5.000.000 FCFA par infraction à compter de la signification
de la décision à intervenir ;
Voir ordonner la confiscation de tous les produits marqués
« CROCODILE » fabriqués par la S.C.D.M. en violation du droit
exclusif de la société R.M. & Co Ltd, pour être remis à la requérante aux
fins de destruction en présence de tel Huissier qu’il plaira au tribunal de
désigner ;
Voir ordonner la publication du jugement à intervenir dans les
journaux ou revues au choix de la Société R.M. & Co Ltd et aux frais de la
S.C.D.M. ;
Voir ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir
nonobstant opposition ou appel vu l’urgence et le péril en la demeure ;
S’entendre condamner la S.C.D.M. en tous dépens ;
Attendu que la Société R.M. & Co. Ltd expose au soutien de son
action qu’elle est titulaire de la marque de fabrique « CROCODILE »
déposée à l’OAPI (Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle) le 30
Juillet 1991 et enregistrée sous le N°30659 ;
Que ladite marque a été déposée pour couvrir les produits de la
classe 8 en l’occurrence les machettes et autres outils tranchants ;
Que la S.C.D.M. fait usage de la marque dont s’agit alors qu’elle
ne bénéficie ni d’une concession, ni d’une cession de droit sur ladite
marque ;
Que ces actes sont constitutifs de contrefaçon et de concurrence
déloyale ;
Qu’elle s’estime donc fondée à solliciter du Tribunal de céans la
condamnation de la défenderesse pour contrefaçon et concurrence déloyale et à
la réparation du préjudice à elle causé ;
Attendu que pour faire échec à ces demandes, la S.C.D.M. a exigé
d’emblée que la demanderesse principale justifie d’une consignation suffisante
au regard des dispositions de l’article 24 du Code de Procédure Civile et
Commerciale ;
Que plaidant au fond, la défenderesse fait valoir que la marque
« CROCODILE » fabriquée au Cameroun par T. accompagnée d’un dessin a
fait l’objet d’un dépôt à l’OAPI et a été enregistrée sous le N°35636 dans les
classes 7 et 8 ;
Que ledit enregistrement a été publié dans le Bulletin de l’OAPI
n°8/1996 ;
Attendu que la défenderesse poursuit que parallèlement à la
présente procédure, la Société R.M. & Co Ltd a saisi l’OAPI d’une action en
opposition de la marque « CROCODILE » fabriquée au Cameroun par T.
accompagnée d’un dessin de crocodile au motif qu’il y aurait risque de
confusion avec les noms et dessins de Crocodile figurant sur la marque par elle
déposée ;
Que vidant sa saisine, l’OAPI par décision
N°005/OAPI/DG/ADG/SCAJ/NF du 15 janvier 1998 a rejeté la demande de la Société
R.M. & Co Ltd ;
Que cet organisme précise dans sa décision que le mot et le dessin
de Crocodile ont cessé d’être la propriété exclusive de la Société R.M. &
Co Ltd ;
Qu’il s’en suit qu’à son avis, la présente action est dénuée de
tout fondement ;
Attendu que la S.C.D.M. formule à son tour une demande
reconventionnelle et sollicite à ce titre la somme de 100.000.000 FCFA pour
procédure abusive ;
SUR LE PAIEMENT DE LA CONSIGNATION
Attendu que par jugement avant-dire droit N°455/ADD du 4 avril 1998,
le Tribunal de céans a ordonné la preuve par la demanderesse principale du
paiement de la consignation due ;
Que dans ses conclusions en date du 5 Juin 1998, la Société R.M.
& Co Ltd a substitué à sa demande de 150.000.000 FCFA à titre de dommages-intérêts
une demande de réparation symbolique ;
Attendu que le Tribunal lui en a donné acte ;
Qu’il s’ensuit que le paiement d’un supplément de consignation ne
se justifie plus, celle-ci étant proportionnelle à la quantité de la
demande ;
Qu’il échet, dès lors, de déclarer inutile, et partant sans objet
la production de la preuve de paiement de la consignation ordonnée par jugement
avant dire droit sus-évoqué ;
SUR LA DEMANDE PRINCIPALE
Attendu qu’il est acquis que la Société R.M. & Co Ltd a fait opposition
à l’enregistrement de la marque « CROCODILE » fabriquée au Cameroun
par T. ;
Que par décision N°0005/OAPI/DG/ADG/SCAJ/NJ du 15 janvier 1998,
l’OAPI a rejeté ladite opposition au motif que les termes
« CROCODILE » et son dessin ont fait l’objet de plusieurs dépôts et
enregistrements antérieurs dans les mêmes classes ;
Attendu qu’il résulte de cette décision que la demanderesse ne
bénéficie d’aucune exclusivité ni sur la marque, ni sur le dessin
Crocodile ;
Attendu qu’au sens de l’Accord de Bangui du 3 mars 1997, l’action
en contrefaçon ne peut être exercée que par celui qui a l’exclusivité d’une
marque ou d’un dessin ;
Qu’il convient, au regard de ce qui précède, de dire la demande de
la Société R.M. & Co Ltd relative à la condamnation de la S.C.D.M. pour
contrefaçon non fondée et l’en débouter, sans qu’il soit besoin d’examiner les
autres chefs de demandes connexes à celle susvisée ;
SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE DE LA S.C.D.M
Attendu que la S.C.D.M sollicite l’allocation d’une somme de
100.000.000 de FCFA, pour procédure abusive et vexatoire ;
Attendu qu’il ressort des éléments du dossier que les noms et
dessins des deux marques présentent des similitudes ;
Que ceci a même été reconnu par l’OAPI dans sa décision portant
rejet de l’opposition formulée par la Société R.M. & Co Ltd ;
Que la demanderesse principale avait donc de bonnes raisons
d’évoquer les risques de confusion par elle alléguée au soutien de son action
et de saisir partant les Tribunaux ;
Qu’il n’y a aucune intention malveillante de sa part susceptible
de générer une faute à sa charge ;
Que la seule saisine des Tribunaux ne saurait constituer un abus
si celle-ci n’est pas soutenue par la mauvaise foi, une intention manifeste de
nuire ;
Qu’il n’y a pas abus de droit en l’espèce ;
Qu’il échet, en ces circonstances, de débouter la S.C.D.M de sa
commande reconventionnelle ;
Attendu que la partie qui succombe doit supporter les
dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et
commerciale et en premier ressort ;
Déclare inutile et partant sans objet la production de la preuve
du paiement de la consignation ordonnée par jugement avant-dire droit N°455/ADD
du 3 avril 1998, suite au désistement par la Société R.M. & Co Ltd de sa
demande en dommages-intérêts ;
Reçoit ladite société en ses demandes relatives à la constatation
de la contrefaçon, à l’interdiction de la poursuite des actes de contrefaçon, à
la confiscation des produits marqués « CROCODILE » fabriqués par la
défenderesse et à la publication du présent jugement ;
L’y dire cependant non fondé et l’en déboute ;
Reçoit la S.C.D.M en sa demande de dommages-intérêts ;
L’y dit également non fondée, et l’en déboute ;
Condamne la demanderesse principale aux entiers dépens.