Tribunal de Première Instance de Ngaoundéré
Jugement N°367/COR du 17 avril 2003
MP et REPAC
c/
MOHAMADOU AMINOU
Le Tribunal,
Attendu qu’à la requête de Monsieur le Procureur de la République
près les Tribunaux de Ngaoundéré et par exploit en date du 23 Décembre 2002 de
Maître YOUSSOUFOU Ibrahim, huissier de justice à Ngaoundéré, le nommé Mohamadou
Aminou est cité devant le Tribunal en matière correctionnelle, pour y être jugé
des faits de contrefaçon des œuvres artistiques, sur la base de l’article 81 de
la loi N°2000/011 du 19 décembre 2000 relative au droit d’auteur et aux droits
voisins.
Attendu que le prévenu comparait ; qu’il y a lieu de statuer
contradictoirement à son égard ;
Attendu que le Rassemblement des Artistes Professionnels et
Amateurs du Cameroun (RAPAC) dont les membres, en l’occurrence ATANGANA Kenneth
Wick Alias Chief et BELOMO Cyrille Donatien, sont informés de la date
d’audience, n’est pas représenté ;
Qu’il y a lieu de statuer par jugement réputé contradictoire à son
égard ;
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier, de l’instruction
orale et des débats à l’audience publique que le 17 septembre 2002 certains
artistes musiciens, se disant agir pour le compte du RAPAC, ont fait saisir
2133 cassettes et CD vidéo des chanteurs des nationalités étrangères (hindou,
haoussa, Nigéria, Niger, Anglaise, etc…) et un poste de radio cassettes dans la
discothèque ‘’Vina vida club’’ appartenant à Mohamadou Aminou, sans estampille
SOCINADA ;
Que le Ministère Public en déduit qu’il s’agissait pour ce dernier
d’un acte de contrefaçon des œuvres artistiques ;
Attendu que Mohamadou Aminou a précisé qu’il s’est toujours acquitté
de ses devoirs vis-à-vis de l’Etat et de la SOCINADA par le paiement des
diverses taxes, tel qu’il ressort des quittances délivrées à cet effet ;
Attendu que maître Deugoué Raphael, avocat au barreau du Cameroun,
constitué pour la défense du prévenu, a fait observer que l’infraction mise à
la charge de son client, ne saurait tenir dans la mesure où l’accusation n’a
pas produit les textes des pays dont seraient originaires les musiciens des
cassettes saisies, lesquels textes protègeraient autant les droits des
chanteurs et musiciens camerounais, comme l’exige la loi en la matière ;
I/ SUR
L’ACTION PUBLIQUE
Attendu que le moyen de défense du conseil du prévenu est
pertinent et pourrait prospérer ;
Attendu en effet qu’aux termes des dispositions de l’article 93(1)
de la loi N°2000/011 du 19 décembre 2000 relative au droit d’auteur et aux
droits voisins, « les étrangers jouissent au Cameroun du droit d’auteur ou
de droits voisins dont ils sont titulaires, sous la condition que la loi de
l’Etat dont ils sont les nationaux ou sur le territoire duquel ils ont leur
domicile, leur siège social ou un établissement, protège les droits des
camerounais » ;
Attendu qu’il transpire de la lecture de cet article que la
répression de la contrefaçon des œuvres artistiques des auteurs de nationalité
étrangère, est subordonnée au respect du sacro-saint principe de la réciprocité
dans les relations internationales ;
Qu’ainsi les auteurs étrangers ne peuvent bénéficier de la
protection de leurs œuvres artistiques qu’autant que les camerounais jouissent
de la même mansuétude soit dans leurs pays d’origine, soit dans le pays où ils
ont élu domicile ou établi le siège social de leurs activités.
Attendu que la charge de la preuve dans l’existence de ces textes,
incombe à l’accusation (Ministère Public et victime) ;
Qu’en leur absence, l’infraction mise à la charge du prévenu ne
saurait être caractérisée ;
Attendu qu’en l’espèce, l’accusation n’a pu produire les textes
exigés par la Loi N°2000/11 du 19 décembre 2000 susmentionnée, se contentant
d’allégations vagues et incontrôlables ;
Attendu qu’il convient dans ces conditions de déclarer Mohamadou
Aminou non coupable de contrefaçon des œuvres artistiques et de l’en relaxer
pour fait non caractérisé ;
II/ SUR
L’ACTION CIVILE
Attendu que maître Deugoué Raphael a au nom et pour le compte de
son client sollicité la restitution des cassettes vidéo et CD ainsi que le
poste de radio cassette saisi, illégalement, objet du scellé ;
Attendu que la responsabilité pénale du prévenu n’ayant pas été
retenue, il convient d’accéder à cette demande de restitution ;
Attendu qu’il y a lieu de laisser, compte tenu de tout ce qui
précède, les dépens à la charge du Trésor Public ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par jugement réputé contradictoire à l’égard
du RAPAC, contradictoire à l’égard du prévenu, en matière correctionnelle et en
premier ressort ;
Déclare Mohamadou Aminou non coupable de contrefaçon des œuvres
artistiques ;
L’en relaxe pour faits non pénalement caractérisés ;
Ordonne la restitution des cassettes vidéo et CD ainsi que de la
radio cassettes objets du scellé au nommé Mohamadou Aminou ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor du Public.